Alors c’est très simple pour faire un tube il vous faut un ou des artistes : pour ce premier ingrédient prenez des enfants, entre 10 et 16 ans les enfants c’est comme les chatons c’est mignon tout plein et pour peu qu’ils aient un filet de voix décent vous avez déjà assuré 50% du travail. En en terme de merchandising c’est le jackpot assuré, vous allez forcément toucher un jeune public et ça rassurera les parents si leur progéniture leur demande d’acheter le dernier opus d’un groupe composé aussi d’enfants plutôt que la dernière production d’une créature lascive siliconée de toutes parts ou d’un individu glorifiant la gangster attitude avec gros calibres et filles dénudées.
Ensuite qui dit tube dit chanson : là vous avez le choix : vous composez ou faites composer une chanson originale avec quelques accords basiques et des paroles légères, ou alors vous jouez la sécurité et vous prenez une chanson déjà existante : et là attention, relisez bien les paroles il y a des choses qu’on ne peut pas faire fredonner à des bambins innocents : ça choquerait les parents et irait à l’encontre du but recherché, alors mettez toutes les chances de votre coté et n’hésitez pas : réécrivez les paroles, changez un mot problématique par un autre plus correct. En plus cerise sur le gâteau, il y aura toujours un amateur éclairé qui reconnaîtra l’original et parlera de votre petite « entourloupe » : publicité gratuite assurée.
Voila ! Vous avez votre groupe et votre chanson, trouvez un bon producteur pour mixer le tout et lancez-vous : le succès est garanti ! Vous ne me croyez pas ? Pourtant en 1982 ça à très bien fonctionné :
- Les enfants : Musical Youth 2 paires de frères natifs de Birmingham
- La chanson : Pass the Kutchie des Mighty Diamonds devenue Pass the Dutchie.
Et ici une petite explication de texte s’impose : « kutchie » en argot jamaicano-anglophone c’est un joint et une traduction rapide du refrain donne « Passe le joint sur ta gauche » et les chœurs donnent « Comme te sens tu quand tu n’a pas d’herbe ? » : Vous conviendrez que ce n’était vraiment pas possible de mettre de telles paroles dans la bouche de créatures impubères (ou a peine) et d’ailleurs même de nos jours, quand de plus en plus de pays autorisent la consommation du cannabis, je ne suis pas sur que l’on puisse faire chanter de telles paroles à des enfants. Du coup le « kutchie » est devenu « dutchie », une marmite en argot, et « How does it feel when you got no herb » est devenu « How does it feel when you got no food » : « Comment te sens tu quand tu n’a pas à manger » : on obtient du coup une chanson presque militante avec des enfants qui ont faim (ça ne vous tire pas les larmes des yeux ?) et ça à fait un carton un peu partout en Europe et ailleurs et à juste titre : on peut critiquer la démarche mais à l’arrivée on a quand même une bonne chanson et l’ajout d’un peu de toasting par les gamins en fait un truc imparable que jusqu’à aujourd’hui j’écoute toujours avec autant de plaisir, les Mighty Diamonds sont toujours un des plus grands groupes de reggae du monde, alors pourquoi jouer les rabat-joies.
L’original.
La reprise.
Évidemment travailler avec des enfants c’est le prendre le risque d’avoir un succès aussi fulgurant que bref, mais cela permet aussi de rentrer dans les livres des records et permet au blogueur en mal d’inspiration de se remettre au travail à moindre frais en jouant sur la corde de la nostalgie des années 80.